n. 1997 - Paris
Née à Paris, je suis diplomée de L’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris depuis septembre 2023. J’ai fréquenté les ateliers de Claude Closky, Clément Cogitore, Liv Schulman et Julien Prévieux. J’ai également participé à un échange à la Tokyo University of the Arts en 2022 dans l’atelier de Ozawa Tsuyoshi. Je m’intéresse principalement à nos façons de relationner au monde et de cohabiter entre vivant·es, humain·es ou non-humain·es, aux objets dont nous équipons nos espaces de vie et de travail, aux institutions et aux outils scientifiques que nous créons pour penser et observer ce qui nous entoure. J’aime développer des méthodes à la croisée de la pratique documentaire et de la pataphysique, convoquer des entités dont la réunion semble absurde, inviter l’intuitivité là où elle semble absente et travailler en collaboration avec des spécialistes hors du champs de l’art contemporain : ingénieur·es, botanistes, magicien·nes, archivistes... Je traduis mes reflexions par la création d’outils de médiation, d’expériences et de performances pour re-conter.
Born in Paris, I graduated from the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris in September 2023. I attended the studios of Claude Closky, Clément Cogitore, Liv Schulman and Julien Prévieux. I also took part in an exchange program at Tokyo University of the Arts in 2022 in Ozawa Tsuyoshi's studio. I'm mainly interested in our ways of relating to the world and living together, whether human or non-human, in the objects with which we equip our living and working spaces, and in the institutions and scientific tools we create to observe and think about what surrounds us. I like to develop methods at the crossroads of documentary practice and pataphysics, to summon entities whose reunion seems absurd, to invite intuitiveness where it seems absent, and to work in collaboration with specialists outside the field of contemporary art: engineers, botanists, magicians, archivists... I translate my reflections into the creation of mediation tools, experiments and performances to re-tell tales.
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APRÈS AVOIR POUSSÉ LES NUAGES
par Sarah Lolley
Si on avait voulu regarder le diplôme de Juliette Peres depuis le ciel, on aurait d’abord vu un grand écran blanc, des nuages qu’il aurait fallu pousser du revers de la main pour entrapercevoir le toit des Beaux-Arts de Paris. Amas faramineux de tuiles grises surplombées d’une verrière octogonale aux allures de prison ou de serre, ni tout à fait intérieur, ni tout à fait extérieur. Une institution donc, comme celles que l’artiste décortique dans son travail pour tenter de comprendre d’où elles commencent et où elles terminent, de capter leurs infinis rouages et de les exploiter par une série de délicieux pas de côtés. En pénétrant la couche de verre par un plissement d’œil (et il aurait fallu plisser très fort), on aurait ensuite aperçu un champ aux allures de ceux qui rythment nos paysages, vallonnent le pays de bout en bout. Un champ qui ressemble à, mais n’est en fait pas, puisqu’il s’agissait là d’une campagne bâtie de morceaux de laine rapiécés. Construction artificielle domestique, ce nuancier tapissier s’est fait, le temps d’une journée, réceptacle des recherches que Juliette mène depuis quelques années. Sur ce nouveau territoire sur lequel agir se sont succédé : un feufollet de carton, des chèvres, des humain·es, des montagnes et des humain·es mué·es en chèvres. Toutes et tous personnages d’un raisonnement-fiction profondément ancré dans l’espace choisi par l’artiste, servant et accompagnant son propos comme des témoins. Ici et là, y étaient habilement disséminés des codes de la magie contemporaine, illustration de son appétence pour le spectacle, l’illusion et la démonstration pataphysique. Ce sont aussi des mots dont il était question, mots-matériaux que Juliette manie pour créer des nouements entre hier et aujourd’hui. Des mots-valises, des mots-briques qui s’empilent comme un château de cartes, à savoir, une construction à l’équilibre à la fois précaire et stable. Indubitablement in situ, sa pratique constitue dès lors une vaste entreprise pour penser les espaces d’exposition comme d’éternelles possibilités d’interroger, par le décalage, ce qui fait société Juliette ne fait jamais seule, et sait s’entourer pour énoncer son propos. Ingénieur·es, botanistes, magicien·nes, archivistes, médiateur·ices et ornithologues amateur·ices sont ainsi régulièrement invité·es par l’artiste à formuler, ensemble, des hypothèses. En sollicitant de cette manière différent·es spécialistes, elle pousse le raisonnement analogique dans ses retranchements et touche parfois du doigt l’absurde par la comparaison de gestes et d’objets qui n’ont pas de lien, en apparence.
Là où vous comme moi ne voyons qu’une simple bête à cornes, Juliette perçoit l’opportunité de repenser nos manières de comprendre les structures hiérarchiques et organisationnelles verticales qui composent notre société et nous sont imposées. Dans Faire troupeau, elle propose ainsi une perspective unilatérale à un groupe de performeur·euses à qui elle fait porter des lunettes futuristes en carton, les chargeant dès lors d’une vision simulée.
Juliette s’est faite bâtisseuse du pas grand-chose, magicienne d’un quotidien à peine perturbé : vaste terrain de jeu au sein duquel elle opère, décortique, désosse, repense, interroge et bouscule nos habitudes par ses nombreuses hypothèses sur ce qui nous entoure. Si on avait regardé le diplôme de Juliette Peres depuis le ciel, on aurait donc vu, entre autres et dans l’ordre : nuages·toit-verrière·champ-moquette·humain·es·feufollet·chèvres·montagnes·humain·es-chèvres. Après avoir poussé les nuages, nous seraient ainsi apparus 50% de ciel, 50% de sol, le tout imbibé de questionnements sur ce qui fait institution et sororité, sur ce qui nous lie au vivant et au non-vivant, sur les moments décisifs d’où tout commence et où tout se termine.